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bouteille en plastique
Format
24 heures

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24 heures dans la (fin de) vie d’une bouteille plastique

10 min

Description

Voici la petite et la grande histoire de cet objet du quotidien.

Components

Les bouteilles en plastique sont, de loin, le déchet qui pollue le plus. Au rythme où nous sommes actuellement, d’ici 2050, il y en aura plus que de poissons dans l’océan ! Mais, triées correctement, elles pourraient connaître une toute autre (fin de) vie, dont voici un aperçu.

 Une durée de vie de quelques minutes, cela vous parait effrayant ? C’est celle d’une bouteille en plastique. La plupart d’entre elles ne sont utilisées qu’une seule fois alors qu’on en vend dans le monde un million par minute. Subitement achetée, instantanément bue, immédiatement jetée. Mais ce déchet pourrait avoir un peu de sursis… Pour cela il suffit de le placer dans la bonne poubelle, celle destinée au recyclage, afin qu’il soit collecté et transporté dans un centre approprié. 

Sur place, les bouteilles sont classées selon leur type de matériaux, sur des tapis roulants, par des machines qui les soupèsent ou observent leur teinte. Les produits dont la couleur est claire, comme les bouteilles d’eau, sont généralement constitués de PET, ou Polyéthylène Téréphtalate, un plastique produit à partir d’énergies fossiles -il faut en moyenne 1,9 kg de pétrole brut pour en produire 1 kg.

Chaîne de tri de bouteille en plastique, Yongin en Chine
Tri des plastiques ménagers recyclables par type de résine (PE, PP, PET, PS)
© Médiathèque Veolia - Alexandre Dupeyron

Jolie bouteille, sacrée bouteille

Jusqu’aux années 1950, les liquides sont transportés dans des bouteilles en verre. « Se développe ensuite l’industrie pétrolière, et donc le plastique, sous-produit de l’exploitation de cette énergie fossile », raconte Nicolas Marty, historien à l’université de Perpignan, en France. « Mais il faut attendre les années 1970 pour observer une totale transformation : la croissance de la grande distribution pousse les entreprises d’embouteillages à passer au plastique - moins lourd - pour réduire les frais de transport et de stockage - plus besoin de place pour entreposer les bouteilles en verre consignées. » Ce changement sociétal s'accompagne d’une découverte : celle du chimiste américain DuPont de Nemours, à l’origine d’une bouteille plus légère, plus économique, plus solide et moins chère : celles en polyéthylène terephthalate (PET). Le succès est immédiat aux Etats-Unis et s’impose très vite partout dans le monde une vingtaine d'années plus tard, au moment où les grandes marques de boisson, comme Nestlé ou Coca Cola, se globalisent et changent radicalement nos habitudes... Désormais chacun dispose de sa boisson où et quand il veut, précipitant le monde dans l’ère du tout jetable.

Mais l’avantage du PET, c’est qu’on sait le recycler. Une fois triées, les bouteilles sont compressées en grosses balles qui sont ensuite cassées puis broyées en paillettes. « On les lave à l’eau chaude dans des installations industrielles de manière beaucoup plus économe en eau que ce que vous pourriez faire à la maison, d’où l’importance de jeter ses bouteilles non nettoyées », insiste  Marc-Antoine Belthé, Directeur Recyclage et Valorisation des Déchets et Filiales de Spécialités chez Veolia en France, entité qui traite les déchets non dangereux. C’est ici que les chemins des plastiques de bouchons et de bouteilles se séparent, à l’aide... d’eau. Dans des bacs de séparation, les paillettes de bouchons flottent, tandis que les paillettes de bouteilles, plus lourdes, coulent.

Une opération qui ne peut pas -encore- être reproduite à l’infini

Ensuite, l’opération maîtresse peut débuter : l'extrusion. « Un tube doté d’une vis sans fin est chauffé, les paillettes sont mises au début du tube, la vis tourne et les pousse, elles fondent et se re-mélangent entre elles. A la sortie, on obtient une sorte de boudin de plastique. Celui-ci est refroidi puis coupé en granulés homogènes », détaille Marc-Antoine Belthé. Ces derniers sont ensuite vendus comme matière première aux industriels. Ils entrent en effet dans la composition pour fabriquer de la fibre de polyester (polaires, peluches, couettes, anoraks, etc), d’autres objets en plastique (tuyaux, etc), ou de nouvelles bouteilles en plastique. Les granulés issus du plastique des bouchons, plus foncés, pourront revivre sous forme de seaux, ou de meubles en plastique par exemple. Au final, la fabrication de bouteilles à partir de plastique 100 % recyclé utilise 75 % d'énergie en moins que la création de bouteilles en plastique vierge, estime la British Plastics Federation (BPF), l’organisme britannique représentant les entreprises du secteur.

bouchons en plastique recyclée
PET préforme
© Médiathèque Veolia - Jean Marie Ramès

Attention cependant, l’opération ne peut pas être reproduite à l'infini. « Au bout d’un moment, les chaînes moléculaires se détériorent, une petite usure en somme, et donc une bouteille ne peut être recyclée qu'un nombre limité de fois », souligne Marc-Antoine Belthé. Mais des entreprises innovantes travaillent pour améliorer le processus. En France, la start-up Carbios a ainsi mis au point un procédé permettant de recycler à l’infini des bouteilles alimentaires : il utilise une enzyme qui « découpe » les molécules de PET et les remet ainsi dans leur état originel, sous forme de poudre et d’un liquide. Lorsqu’on mélange à nouveau ces deux composés, on obtient de nouveau du plastique neuf.

 

Repenser les pratiques  

Pour l’heure, le problème principal demeure la collecte. Mais les situations très disparates entre les Etats laissent penser que des améliorations sont possibles : aux Etats-Unis seules 30 % des bouteilles en plastique sont recyclées. En France, où les collectivités territoriales chargées du tri bénéficient de subventions pour le recyclage issu d’une taxation des fabricants, « le taux de recyclage (c’est-à-dire de bouteilles effectivement recyclées par rapport aux tonnages mis sur le marché) est de 55 % », explique Sophie Génier, directrice des Services Recyclage chez Citeo, une entreprise à mission française créée par les entreprises du secteur de la grande consommation et de la distribution pour réduire l’impact environnemental de leurs emballages. Mais ce chiffre grimpe  à 97 %  en Norvège par exemple, qui a un système de consigne efficace et une taxe environnementale évolutive pour les producteurs. Pour rattraper son retard, l’Union Européenne s’est fixé l’objectif de 77 % de bouteilles en plastique collectées en 2025, puis de 90 % en 2030. Les bouteilles en PET devront aussi incorporer 30 % de plastique recyclé à partir de 2030. 

Le chiffre clé

30%

Aux Etats-Unis, seules 30 % des bouteilles en plastique sont recyclées.

Les fabricants de boissons commencent également à repenser les pratiques. Aux Etats-Unis, Coca-Cola, l’un des plus gros producteurs de déchets plastique, s’est récemment engagé à commercialiser uniquement des bouteilles constituées pour la moitié de plastique recyclé d’ici 2030. L’entreprise Danone veut, elle, que la totalité de ses bouteilles d’eau en Europe soient en plastique recyclé dès 2025.

D’une révolution, les bouteilles plastiques se sont transformées, en une vingtaine d’années, en un énorme fléau. Un tiers des déchets plastiques, soit 100 millions de tonnes, polluent la nature chaque année, selon le WWF. Aucune autre industrie n’a connu une telle croissance : aujourd’hui, 481 millions de bouteilles en plastique sont produites chaque année, contre 2,3 millions en 1950… Outre les déchets, pour fabriquer une seule bouteille, il faut utiliser trois fois plus d’eau que ce que la bouteille peut contenir une fois modelée. Sans compter que sa production à partir d’énergies fossiles est polluante et énergivore.

Chaque année, un tiers des déchets plastiques finissent dans la nature.

Les bouteilles en plastique peuvent cependant être très utiles dans les pays où la population n’a pas accès à l’eau potable - 2,2 millions de personnes dans le monde -. Certains pays ou municipalités ont ainsi décidé de prendre les choses en main. Le maire de Londres est en train de développer un réseau de fontaine à eau. Certaines villes (Concord au Massachusset, San Francisco et Los Angeles en Californie, Bundanoon en Australie) ou des parcs publics, universités ou musées ont interdit les bouteilles en plastique. Au Kenya, les plastiques à usage unique sont interdits depuis 2019 sur les places et dans les parcs nationaux. 

En fin de compte, le meilleur déchet reste celui que l’on ne produit pas. « Quel que soit l’emballage, les sociétés devraient consommer moins, et pour cela l’information du public est primordiale », note Thomas Stanton, maître de conférences en sciences de l'environnement à Nottingham Trent University, en Angleterre. Et en la matière, tout le monde peut s’y mettre. La prochaine fois que vous sortez, pensez par exemple à glisser une gourde en métal dans votre sac.