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L'enquête

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Pour s'adapter au changement climatique, les plantes grimpent vers les sommets

5 min

Description

Sur les versants du Chimborazo, dans les Andes, des chercheurs ont étudié la migration de la flore vers l'altitude pour fuir les températures trop chaudes.

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Face au réchauffement climatique, la flore des montagnes s'est lancée dans une lente course vers l'altitude pour gagner des températures plus clémentes. Sous les tropiques, cette course de fond est encore plus rapide que dans les zones tempérées. Elle a été observée par Naia Morueta-Holme, chercheuse à l'université de Copenhague, sur les versants du Chimborazo, un volcan culminant à 6 263 mètres d'altitude dans les Andes.

L'équipe de chercheurs a parcouru les pentes du mont le plus haut d'Equateur en répertoriant toute la flore qu'ils trouvaient sur de petites placettes situées à des intervalles de 100 mètres d'altitude, entre 3 800 et 5 200 mètres : espèces, distribution, limite supérieure de la végétation... Ils ont ensuite pu comparer leurs observations aux données historiques recueillies par Alexander von Humboldt, illustre naturaliste, géographe et explorateur allemand, qui avait lui-même, deux siècles plus tôt, arpenté les Andes en recensant les végétaux qui y poussaient. Malgré les incertitudes inhérentes à ces données anciennes, récoltées à partir de 1802, les résultats sont aussi solides que surprenants. « On a pu documenter des migrations de plantes vers les hauteurs de plus de 500 mètres en moyenne, relate Naia Morueta-Holme. On a été surpris de découvrir des migrations aussi importantes par rapport au réchauffement climatique qu'on connaît dans cette zone. »

Derrière ce tableau global, les variations entre espèces sont importantes.

« Les deux espèces les plus élevées qu'on ait trouvé, une moutarde, Draba aretioides, et une aster, Pentacalia chimborazensis, poussaient bien au-delà de la limite supérieure des plantes que Humboldt avait noté, et qui était à son époque de 4 600 mètres d'altitude”.

Naia Morueta-Holme, chercheuse à l'université de Copenhague.

Un rythme trop lent

Ces migrations suffiront-elles à assurer la survie de ces plantes des montagnes face au dérèglement climatique ? Difficile à dire. « Du fait des réponses très diversifiées des espèces, avec certaines qui grimpent en altitude, certaines qui ne bougent pas, et même certaines qui redescendent, on ignore encore beaucoup de choses. Cette réussite dépendra aussi des interactions entre les espèces, et entre les plantes et les insectes pollinisateurs, souligne Naia Morueta-Holme. Il y aura en tout cas des gagnants et des perdants. »

Avantage pour cette flore d'altitude, le réchauffement conduit au retrait des glaciers qui coiffent les sommets andins, ouvrant de nouveaux fronts de colonisation où certaines espèces s'installent déjà. Plus bas, les activités humaines pourraient aussi expliquer la rapidité de ces migrations en disséminant certaines espèces. A l'inverse, la présence humaine peut aussi faire barrage à ces migrations. « Les espèces ont déjà migré en réaction à des changements climatiques par le passé, entre les âges glaciaires et interglaciaires. Mais les paysages actuels sont très différents, avec de grandes surfaces dédiées à l'agriculture, et une fragmentation des habitats qui rend leurs déplacements plus compliqués », note Naia Morueta-Holme. Par ailleurs, le rythme actuel du réchauffement, causé par les émissions de CO2 dues aux activités humaines, est très rapide, mettant au défi la capacité des végétaux à suivre cette montée des température sans précédent.

Enfin, les espèces ont beau migrer vers l'altitude, elles seront tôt ou tard confrontées à la limite indépassable des sommets. Déjà, des extinctions locales ont pu être observées dans certaines montagnes.

À retenir

Selon un article scientifique publié dans Nature, qui a passé en revue 150 espèces de haute montagne dans les Alpes, la dynamique des populations est en retard par rapport aux évolutions climatiques. L'aire de répartition de ces plantes aura diminué presque de moitié d'ici la fin du XXIe siècle.

Nombre d'espèces évoluent donc vers leur probable extinction à long terme. D'après une autre étude publiée dans les Pnas (Proceedings of the National Academy of Sciences) sur 538 espèces animales et végétales dans le monde, une grande majorité (57 à 70%) d'entre elles ne migreront pas assez rapidement pour survivre. Elles pourraient néanmoins aussi s'adapter à de nouvelles niches, de nouvelles conditions écologiques, augmentant ainsi leurs chances de survie.

Chiffres clés

Dans ce cas, ce sont tout de même 16 à 30% des espèces étudiées qui pourraient disparaître d'ici 2070 à cause du changement climatique.