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Les satellites peuvent-ils aider à ralentir le réchauffement climatique ?

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Description

Puissant gaz à effet de serre, le méthane est responsable de 30% du réchauffement de la planète depuis l’ère préindustrielle. De nouvelles technologies permettent désormais de détecter les fuites depuis l’espace.

Components

Dans la lutte contre le réchauffement climatique, la réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2) vient souvent en tête des priorités. Pourtant, l’attention se porte aussi, désormais, sur le méthane (CH4), gaz à effet de serre moins abondant dans l’atmosphère mais au potentiel de réchauffement global beaucoup plus intense (1kg de CH4 équivaut à 84 kg de CO2 sur 20 ans). La bonne nouvelle est que, contrairement au CO2 qui peut résister 300 ans dans l’air, le méthane n’y persiste guère plus de 10 ans. Toute réduction peut donc rapidement donner des résultats visibles, d’autant que près de 60% des émissions de méthane seraient d’origine anthropique. Principaux responsables : l’élevage bovin, mais aussi les secteurs du pétrole et du gaz et, dans une moindre mesure, l’exploitation des mines de charbon et les décharges. Les sources exactes d’émission sont difficiles à identifier et les données mondiales encore peu précises. C‘est là que les technologies satellitaires entrent en jeu.

Les images montrent des points de rejets de méthane au-dessus d'un gazoduc au Kazakhstan, détectés par les missions Copernicus Sentinel-5P (à gauche) et Copernicus Sentinel-2 (à droite)
ESA - Rejets de méthane au-dessus d'un gazoduc au Kazakhstan
© Copernicus data (2020), processed by Kayrros

Trouver la source

L’agence spatiale européenne (ESA) est à l’avant-garde de ces recherches via son programme d’observation de la Terre Copernicus et de son satellite Sentinel-5P, chargé de la surveillance de la qualité de l’air. Lancé en 2017, ce satellite embarque l’instrument de pointe troposphérique « Tropomi » qui cartographie des gaz comme l’ozone, le dioxyde de soufre et le méthane. «L’intérêt de ces travaux n’est pas exclusivement scientifique, il est aussi de nous aider à réduire ces émissions, notamment celles de méthane», annonce Claus Zehner, chef de la mission Sentinel-5P. La démarche remonte à 1995 avec le début de la surveillance de l’ozone (GOME), puis le lancement en 2002 du satellite Envisat doté d’un premier instrument de mesure de concentrations de gaz dans la troposphère et la stratosphère. Sentinel-5P et Tropomi (co-développé par l‘ESA et l’institut néerlandais de recherche spatiale) marquent une nouvelle étape : on peut désormais, grâce à une résolution très élevée, mesurer quotidiennement gaz et aérosols à l’échelle d’une ville, et ce dans le monde entier.

A retenir

Le méthane a un pouvoir de réchauffement plus de

80 fois

supérieur à celui du dioxyde de carbone sur vingt ans.

« Les données de Copernicus sont libres d’accès, précise Claus Zehner. Chacun peut les utiliser comme il l’entend, à des fins scientifiques ou commerciales. »  Or, ces données satellitaires sont précieuses pour traquer les fuites de méthane s’échappant des sites de production d’hydrocarbures : une pollution massive que l’UE entend combattre. Mais il faut  pour cela en détecter la source et l’ampleur. C’est ce que propose la société privée canadienne GHGSat qui a lancé 3 petits satellites depuis 2016 et travaille en partenariat avec la mission de Claus Zehner. Comme l’explique ce dernier, « Sentinel 5-P va repérer un panache de méthane, dont GHGSat pourra identifier la source grâce à son instrument à très haute résolution ». Depuis 2018, le Canadien a notamment pour client Total Energies, avec lequel il développe en outre, depuis juillet dernier, une technologie d’imagerie satellitaire pour surveiller les fuites de méthane sur des installations offshore.

Un enjeu mondial

La start-up française Kayrros exploite, elle aussi, les données Sentinel-5P, qu’elle couple à des données in situ et à des algorithmes d’IA : via une plateforme, « Methane Watch », elle peut ainsi surveiller, quasi en temps réel, les émissions terrestres de méthane. En identifiant non plus seulement les fuites accidentelles dues notamment à l'entretien insuffisant des infrastructures gazières, mais aussi les rejets volontaires de méthane, via par exemple ce que l’on appelle le “venting”. Pour ne pas avoir à traiter, transporter ou réinjecter le gaz (une fois séparé du pétrole brut dans le cas de l'extraction pétrolière), certaines entreprises ont recours à cette pratique courante, mais désastreuse pour l’environnement. Kayrros peut ainsi identifier et signaler aux opérateurs - voire aux autorités - de tels événements, notamment le long des gazoducs, notamment en Sibérie. En 2019 et 2020, elle en a relevé 13 le long des 4200 km du pipeline Yamal-Europe, mais aussi aux Etats-Unis ou au Kazakhstan. « Les mesures satellitaires sont utiles pour faire respecter les règles de lutte contre le changement climatique », souligne Claus Zehner.

Points de rejet détectés autour des gazoducs, notamment les gazoducs Yamal-Europe et Brotherhood
ESA - émissions des pipelines Yamal Europe et Brotherhood
© Copernicus data (2020), processed by Kayrros

Les agences spatiales américaine, japonaise ou italienne travaillent aussi sur ces technologies : la traque du méthane est devenue un enjeu mondial. L’ONU estime que si l’on parvient à réduire de moitié en 10 ans le volume de méthane lié aux activités humaines (380 millions de tonnes par an), un réchauffement de près de 0,3 degré pourrait être évité d’ici 2040.