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L'enquête

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Comment les villes peuvent-elles faire face aux inondations ?

4 min

Description

Pour mieux s'adapter aux précipitations extrêmes dûes au changement climatique, de nombreuses villes à travers le monde innovent et tournent le dos au « tout bitume » pour mieux laisser l'eau s'infiltrer dans leurs sols.

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Fortes pluies, ouragans, tempêtes… Le dérèglement climatique engendre une augmentation des catastrophes naturelles partout dans le monde. A l'été 2021 par exemple, il est tombé l'équivalent de deux mois de pluie en deux jours en Belgique et en Allemagne, selon l'Organisation météorologique mondiale – un phénomène qui a causé la mort de nombreuses personnes et d'importants dégâts.

Résultat : nos cours d’eau débordent et nos villes, trop imperméabilisées et peu résilientes, ne sont pas en mesure de gérer ces flux et se retrouvent inondées de plus en plus fréquemment. Partout, urbanistes et ingénieurs s’unissent et trouvent des solutions pour éviter aux villes de se noyer.

Désimperméabiliser pour restaurer le cycle naturel de l’eau

Comme bien souvent, les solutions sont dans la nature !
Depuis des décennies, la ville s'étale, synonyme dans l'imaginaire collectif de l'avancée rampante du bitume et du béton. Et cette tendance s'est récemment accélérée. « En France, on est passé de 3,7% du territoire imperméabilisé en 1982 – et on a mis des siècles à en arriver là -, à 6,7% en 2018, relève Cyril Gachelin, spécialiste de la gestion des eaux urbaines à l'Office international de l'eau. Cela signifie qu'on urbanise vite, mais surtout qu’on rend nos sols très imperméables. C'est une urbanisation qui interrompt totalement le cycle naturel de l'eau. »

Pour s'adapter à ces aléas, les experts semblent unanimes : il faut libérer la ville de son carcan minéral. Redonner de la place à l'eau, afin qu'elle chemine vers les nappes, où elle est naturellement stockée puis restituée aux milieux naturels.

Pour commencer, il faut apprendre à mieux connaître les parcours de l'eau dans la ville, puis intégrer ces contraintes aux documents de planification urbaine, explique Stéphanie Bidault, directrice du CEPRI (Centre européen de prévention du risque inondation). « Cela peut parfois mener à interdire des constructions sur certains espaces, ou construire sous conditions, sans bloquer l'eau... Mais cela ne veut pas dire qu'on rend le territoire mortifère, on peut au contraire créer des espaces récréatifs, renaturer », poursuit-elle.


Autre atout de ces solutions : elles sont moins coûteuses et probablement plus durables que les ouvrages techniques fabriqués par l’homme dans le but de gérer le circuit de l’eau. Cyril Gachelin explique : « Les projets de renaturation sont préférables à des infrastructures « grises », des ouvrages, des digues, qui sont chers et qui seront, à un moment donné, dépassés par les effets du changement climatique ». D'autant que cette renaturation a de multiples bénéfices, selon l'experte :

 « végétaliser, c'est aussi utile pour la protection contre les îlots de chaleur urbains en période de canicule, grâce à l'ombre et à l'évapotranspiration des plantes. Cela permet enfin de préserver la biodiversité, et de créer un cadre de vie plus agréable pour tous »

De nouvelles technologies innovantes pour compléter les solutions naturelles

En France, plusieurs villes ont fait sauter le goudron des trottoirs, comme sur certains boulevards de Caen, où il a été remplacé par un mix de pierre et de terre qui absorbe mieux l'eau de pluie... et permet ainsi d'arroser les arbres plantés. A Séoul, en Corée du Sud, la rivière Cheonggyecheon, qui était enterrée sous une voie rapide, coule de nouveau à l'air libre, au milieu de larges berges vertes. Ailleurs, ce sont des parcs ou des parkings qu'on accepte d'abandonner aux inondations... ou encore des rigoles végétalisées et des « jardins de pluie » le long des axes routiers. De petites touches qui émergent ci et là, souvent au gré des renouvellements urbains.

Cette désimperméabilisation des sols ne rime pas toujours avec renaturation : des revêtements de route sont désormais conçus avec de nouvelles propriétés plus absorbantes. A New York par exemple, dans des quartiers du Sud-Est de Queens, certains trottoirs ont été couverts d'un matériau perméable appelé « stormcrete », une sorte de béton poreux adapté aux pluies diluviennes. Il est posé sur une base de terre et de pierre, qui permet aux racines de se déployer plus librement, et ainsi de gagner en capacité d'absorption. Ici aussi, le concept de ville-éponge inspire les urbanistes, alors que la mégapole a subi des inondations meurtrières lors du passage de l'ouragan Ida, en septembre 2021.

Dans certains cas, ces solutions se heurtent néanmoins à des obstacles physiques. Les sols très argileux, par exemple, sont de nature imperméable. La présence de cavités naturelles ou d'anciennes carrières entraîne par ailleurs des risques d'effondrement en cas de fortes infiltrations. En ville, les sous-sols sont aussi encombrés par les réseaux d'eau, de gaz ou d'électricité... Autre frein : l'acceptation des habitants. Des herbes folles sur les trottoirs, des rigoles ouvertes, sont perçues par certains comme un signe de négligence.

« On a pris l'habitude, quand il pleut, de voir disparaître l'eau sans savoir où elle part. On est dans une conception qui relève de l'assainissement : historiquement, il fallait évacuer les eaux usées et pluviales loin de la ville car c'était sale et vecteur de maladie... C'est une culture à changer »

Cyril Gachelin