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Au Pérou, un coton naturellement teinté interroge la mode

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Description

Rouge, bleu, vert, jaune… Nous aimons arborer des vêtements colorés. Mais saviez-vous que 20 % de la pollution des eaux dans le monde serait dû aux substances chimiques utilisées pour la teinture des textiles et leur traitement? "Il y a une blague en Chine qui dit qu'on peut reconnaître la couleur de la saison en regardant la couleur des rivières”, déplore ainsi Orsola de Castro, co-fondatrice du mouvement Fashion Revolution, dans l’édifiant documentaire River Blue. Sans compter les risques pour la santé des humains, travailleurs du textile ou consommateurs.

Components

Mais le monde vivant est plein de ressources. Au Pérou, un coton sauvage naturellement coloré permet de créer des vêtements sans teinture artificielle. Rare, ce cotonnier sauvage pousse au nord du pays, dans la jungle amazonienne, notamment dans la province de Lambayeque, le territoire ancestral indigène du peuple Mochica. Des spécialistes de l'Universidad Nacional Pedro Ruiz Gallo de Lambayeque travaillent actuellement pour essayer de percer ses secrets et protéger ce coton mis en danger par l’extension des cultures de maïs et de riz.


Une merveille de la nature qui pourrait révolutionner la mode

Cet arbre est millénaire, il a poussé de façon autonome pendant des années, protégé par les peuples autochtones, qui l'utilisaient dans un contexte culturel, voire religieux”, explique Jean-Guillaume Thyere, fondateur de la marque Pitumarka, qui utilise ce coton non teinté du Pérou pour fabriquer des vêtements éco-responsable. “Paradoxalement, le gouvernement péruvien a voulu l’éradiquer, car le coton blanc se vendait mieux au niveau mondial. Mais le coton sauvage a été protégé par les populations locales qui voulaient le transmettre à leurs enfants”, continue-t-il. 
La palette de couleurs est riche ! Les scientifiques ont par exemple identifié une trentaine de nuances, allant du blanc crème au marron, en passant par le beige, le vert avocat ou le lila, qui pourraient être influencées par la génétique ou le climat.

Ma famille le semait pour notre consommation. Une fois récolté, nous l’amenions ici et nous le choisissions couleur par couleur”, raconte María Rosa Farroñán, agricultrice et artisane indigène, dans une vidéo de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Tissé à la main, il servait ensuite à confectionner des vêtements. “Cette variété représente la culture de communautés qui conservent dans leurs semences et leurs formes de culture, de récolte et de tissage, des secrets ancestraux faisant partie du patrimoine de l'humanité”, insiste sur son site Hecho Por Nosotros, une ONG à but non lucratif dotée d'un statut consultatif auprès des Nations unies qui promeut la durabilité dans l'industrie de la mode.

 

Une matière éco-responsable sur toute la ligne

Outre le fait qu’il ne nécessite aucune teinture et ne génère donc aucune pollution aquatique, ce coton sauvage a l’avantage d’être bien moins gourmand en eau, en pesticides et en engrais chimiques que son cousin plus “conventionnel”. Par exemple, on estime qu’il faut 7 500 litres d’eau, soit l’équivalent de 50 baignoires pour fabriquer un jean. Le coton sauvage du Pérou lui, se contente des pluies fréquentes qui arrosent ses terres. “Il favorise aussi la préservation d’autres espèces, puisqu’il pousse mieux s’il est entouré d’une cinquantaine d’autres plantes”, ajoute Jean-Guillaume Thyere. 

Non teints et 100% naturels, les textiles en coton natif sont aussi 100% compostables en fin de vie. Intéressant, lorsqu’on sait que les fibres synthétiques peuvent mettre des centaines d’années à se décomposer dans la nature, et qu'une majorité de nos vêtements terminant à la poubelle ne sont pas recyclés, mais incinérés. 

Aujourd’hui, ce coton rare renaît de ses cendres grâce à la nouvelle valorisation dont il jouit dans le milieu de la mode durable.  En 2006, il a été nommé patrimoine naturel de la région par le gouvernement régional de Lambayeque. Puis le gouvernement péruvien l’a déclaré "Patrimoine génétique, ethnique et culturel de la nation", affirmant vouloir organiser son sauvetage, sa récupération, sa conservation et sa promotion au niveau national.

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