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La permaculture pourrait-elle inspirer l'aquaculture ?
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Il est possible de rendre l'aquaculture plus durable en élevant avec les poissons d’autres espèces qui se nourrissent de leurs déchets.
L'aquaculture va-t-elle entamer sa transition ? Depuis quelques années, des chercheurs européens tentent de mettre au point des méthodes plus durables, où les poissons sont élevés avec d'autres espèces qui se nourrissent de leurs rejets... avant d’être elles-mêmes valorisées. Des principes inspirés par la permaculture, ou l'agro-écologie... « Au lieu d'être dans un système en monoculture, on imite le fonctionnement des écosystèmes naturels, avec une diversité d'espèces qui recréent une chaîne alimentaire et qui recyclent la matière organique », explique Myriam Callier, chercheuse en aquaculture-environnement à l'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer).
« Au lieu d'être dans un système en monoculture, on imite le fonctionnement des écosystèmes naturels, avec une diversité d'espèces qui recréent une chaîne alimentaire et qui recyclent la matière organique. »
La biologiste a participé au projet IMTA-Effect, mené avec dix autres instituts de recherche européens, notamment au Portugal, en Roumanie ou en Grèce. En France, des expérimentations se sont concentrées sur le ver polychète, un petit animal détritivore qui se nourrit des excréments des poissons. « Ce ver peut apporter de la valeur ajoutée à la ferme aquacole, en étant vendu comme appât de pêche ou pour l'alimentation animale. Ce qui permet aussi de limiter la pression sur cet animal, en l'élevant plutôt qu'en le pêchant », note Myriam Callier. Autre intérêt : la bio-remédiation. En consommant les déjections des poissons, le ver polychète évite qu'elles ne soient relâchées dans la nature, réduisant ainsi les pollutions issues de l'aquaculture.
En fonction des environnements locaux, d'autres espèces peuvent aussi être intégrées à l'aquaculture, comme des algues, des huîtres, des oursins, ou encore des holothuries, qui constituent un mets très apprécié en Asie. Sur ce continent, « l'aquaculture intégrée existe depuis longtemps. Plusieurs espèces sont élevées et entrent en interaction à l'échelle d'une baie, comme des poissons, des coquillages bivalves, des algues... », poursuit Myriam Callier.
Un cocktail intéressant
Les micro-algues ont elles-aussi tout leur intérêt pour accompagner les poissons d'élevage. Un autre projet, baptisé MarineAlga4Aqua, cherche ainsi à favoriser leur diversité au sein des bassins d'aquaculture, à rebours des méthodes habituelles, où une seule souche est cultivée dans un environnement très contrôlé. « Il suffit de laisser faire la nature : une communauté de micro-algues se met en place toute seule dans le bassin, fertilisée par les effluents des poissons, rapporte Cyrille Przybyla, biologiste marin à l'Ifremer. Celles-ci varient selon les saisons et ont des caractéristiques différentes, contenant plus ou moins de lipides ou de protéines... Elles peuvent ainsi former un cocktail intéressant pour nourrir à leur tour les poissons. » Cette source d'alimentation alternative permettrait de limiter la pêche massive de petits poissons pour nourrir les poissons d'élevage. Les micro-algues sont aussi intéressantes pour purifier l'eau du bassin, et fixer le CO2 de l'atmosphère.
La consommation mondiale de poissons devrait passer de 179 millions de tonnes en 2018, à 204 millions de tonnes en 2030.
Pour l'instant, ces idées commencent tout juste à émerger dans l'aquaculture européenne, avec de premières fermes et sites pilotes qui les expérimentent. L'enjeu est fort, tant l'aquaculture prend une place de plus en plus importante dans nos assiettes. Selon un rapport de la FAO (branche alimentaire de l'ONU) de 2020, la consommation mondiale de poissons devrait passer de 179 millions de tonnes en 2018 à 204 millions de tonnes en 2030 – un accroissement largement porté par l'aquaculture plutôt que par la pêche.