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marteaux du président du tribunal
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L'interview

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L'écocide, ou la fin de l'impunité des crimes environnementaux

4 min

Description

Première femme procureure du Sénégal et ex-consultante à la Cour pénale internationale, Dior Fall Sow a co-présidé un panel d'experts réunis par la fondation Stop Ecocide afin de définir ce crime. Elle explique l’importance d’inscrire ce terme dans le droit international.

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Quel a été votre cheminement pour aboutir à une définition de l'écocide ?

Nous avons travaillé pendant six mois avec un panel de douze juristes, des femmes et des hommes venant d'horizons et de pays très divers. Nous avons abouti à un consensus autour d'une définition de l’écocide, que nous avons présentée officiellement le 22 juin 2021.

Ce n'est pas la première fois que ce crime est défini, il existe déjà dans le droit de plusieurs pays, comme la Russie. Mais nous visions une définition qui puisse être introduite dans le statut de Rome de la Cour pénale internationale. Nous avons donc proposé d'ajouter l'écocide aux quatre autres crimes prévus dans ce statut, à savoir le génocide, le crime contre l'humanité, le crime de guerre et le crime d'agression. Et nous avons proposé un amendement à l'article 8 pour le définir ainsi : des actes illicites ou arbitraires, commis en sachant qu'il existe une réelle probabilité que ces actes causent à l’environnement des dommages graves, qui soient étendus ou durables.

Définition

Ecocide : 

« des actes illicites ou arbitraires, commis en sachant qu'il existe une réelle probabilité que ces actes causent à l’environnement des dommages graves, qui soient étendus ou durables. »

Il a fallu ensuite définir chacun de ces termes, ce qui a occasionné beaucoup de débats. Nous avons aussi veillé à ne pas enfermer le juge dans un carcan en mettant des formulations trop précises, qui lui enlèveraient son pouvoir d'interprétation.
 

En quoi est-ce important de reconnaître ce crime au niveau international ?

L'écocide vise les crimes les plus graves commis contre les écosystèmes et contre notre environnement de manière plus générale comme l’utilisation de produits chimiques, la déforestation, les trafics de déchets toxiques, l'exploitation illégale de ressources naturelles, la destruction d'espèces en voie de disparition...  Étymologiquement, « écocide » signifie « tuer notre maison ».

« L'objectif, c'est de pouvoir sanctionner les décideurs, et notamment les multinationales qui se rendent coupables de tels actes. »

Dior Fall Sow, ex-consultante à la Cour pénale internationale

La sonnette d'alarme a déjà été tirée maintes fois, il faut maintenant envisager des mesures beaucoup plus fortes. L'objectif, c'est de pouvoir sanctionner les décideurs, et notamment les multinationales qui se rendent coupables de tels actes. A l'heure actuelle, celles-ci ne sont pas pénalement responsables, elles ont simplement une responsabilité civile : elles risquent des amendes, dont elles peuvent s'acquitter grâce à leur assise financière très importante. Il y a un problème d'impunité. Si on parvenait à inscrire l'écocide dans le droit international, leur responsabilité pénale serait engagée, et elles pourraient être poursuivies par le Tribunal pénal international, indépendamment des droits nationaux.
 

Que reste-t-il à faire pour parvenir à cette reconnaissance ?

La définition que nous avons livrée est une première étape. Il reste à sensibiliser les Etats parties au statut de Rome, afin que ces amendements soient acceptés par une majorité d'entre eux. Il y a beaucoup d'Etats qui y sont favorables aujourd'hui, notamment des petits Etats qui sont soumis à des dommages très graves de leur écosystème... Il reste à convaincre les autres.

C'est une aventure qu'on a commencé, et qui ne doit se terminer que par l'introduction de l'écocide dans le statut de Rome. Cela ne va pas être facile, mais il faut être optimiste et poursuivre nos efforts jusqu'au bout. C'est une nécessité, car il est urgent de garantir la sécurité de notre environnement à l'échelle planétaire.